Malgré des discriminations persistantes, le poids économique des femmes en Afrique est de plus en plus important. Les initiatives se développent partout sur le continent pour permettre une inclusion durable des femmes dans la sphère économique, à l’image du Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire.
La relation entre la femme et l’économie nourrit un curieux paradoxe. Dans le monde, les femmes effectuent les deux tiers du nombre d’heures de travail et produisent plus de la moitié des aliments, mais elles ne gagnent que 10 % du revenu total, possèdent moins de 2% des terres et reçoivent moins de 5% des prêts bancaires.
Les barrières légales sont aujourd’hui tombées, les restrictions au droit de propriété des femmes disparaissent et les femmes sont légalement en droit d’accéder au marché du travail sans l’autorisation d’un référent masculin – ce qui n’était pas le cas dans nombre de pays africains auparavant. Mais ce sont dorénavant les traditions et les normes sociales qui constituent les obstacles les plus puissants à l’émancipation économique de la femme africaine.
Management au féminin
Selon les derniers chiffres des Nations unies (ONU), le taux d’activité économique des femmes d’Afrique, autour de 61,9%, est supérieur à celui de la plupart des autres zones économiques du monde. Cependant, le pourcentage de femmes salariées dans le secteur non agricole est l’un des plus faibles (8,5%). Quelle conclusion tirer de ces chiffres ? Ils sont pour le moins éloquents sur la place de la femme dans l’économie du continent, où elle continue d’être perçue comme une salariée de second rang, trop souvent limitée à des tâches inférieures et peu qualifiées. Les femmes ont ainsi plus de risques que les hommes d’occuper un emploi vulnérable et de sombrer dans une grande précarité en cas de difficultés économiques. Plus d’emplois – et de meilleure qualité – pour les femmes, voilà l’objectif que je me suis donné.
Plutôt que d’attendre de décrocher un poste, la femme africaine s’est créé son propre emploi
La société africaine est en mouvement de ce point de vue. En Afrique, les femmes sont de plus en plus nombreuses à diriger une entreprise. Plutôt que d’attendre de décrocher un poste, la femme africaine s’est créé son propre emploi : 42 % des microentreprises sont ainsi dirigées par des femmes. La plus grande difficulté consiste ensuite à faire fleurir l’activité et à étendre la taille de l’entreprise : seules 13,6 % des petites et moyennes entreprises (PME) ont une femme à leur tête. Ainsi, plus la taille de l’entreprise est importante, moins les femmes sont nombreuses à assurer les postes de direction.
Le management au féminin commence à être loué pour ses vertus
Les chiffres montrent cependant une tendance très encourageante. Les discriminations face à l’accès à l’emploi et à des postes à responsabilité commencent à s’effacer au profit d’une plus grande inclusion des femmes et une meilleure reconnaissance de leurs capacités professionnelles. Mieux encore, le management au féminin commence à être loué pour ses vertus. Rompant avec l’archétype d’une gestion exclusivement masculine – « parler fort, couper la parole et s’imposer », pour schématiser –, un modèle féminin pourrait modifier en profondeur les relations sur le lieu de travail, et en dehors.
Chères disparités hommes-femmes
En Côte d’Ivoire, nous sommes conscients du potentiel des femmes et nous souhaitons les accompagner vers l’autonomie économique. Le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI), que j ‘ai créé en 2012, a permis de soutenir en quelques années plus de 110 000 projets portés par des femmes. Les ambitions du Fonds sont nombreuses : augmenter les revenus propres des femmes, faciliter leur indépendance financière, renforcer leur capacité entrepreneuriale et lutter contre le chômage.
Les inégalités entre les femmes et les hommes, qu’elles soient sociales, économiques ou éducatives, pèsent sur la croissance économique de nombreux pays du continent
En mars dernier, le Fonds a été récompensé pour son engagement social en faveur de l’indépendance financière des femmes par la Chambre de commerce américaine. Toutefois, le chemin est encore long avant d’atteindre une égalité réelle. Nous devons tout faire pour favoriser l’accès des femmes aux ressources clés que sont l’éducation et la santé, deux préalables à leur autonomie financière. C’est pourquoi je milite, aux côtés du FAFCI, pour une démarche globale de soutien aux femmes ivoiriennes, démarche qui passe par la scolarisation systématique des jeunes filles, la lutte contre le travail forcé et l’accès aux soins de santé et à la protection sociale.
L’autonomisation des femmes, j’en suis convaincue, représente un progrès pour toute la population ivoirienne. Maintenir les femmes dans une situation d’infériorité et de dépendance est désastreux pour les intéressées elles-mêmes, mais aussi pour la société tout entière. Les inégalités entre les femmes et les hommes, qu’elles soient sociales, économiques ou éducatives, pèsent sur la croissance économique de nombreux pays du continent. Les conclusions du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), dans son rapport 2016 sur le développement humain en Afrique, évaluent les effets économiques de ces disparités hommes-femmes à 95 milliards de dollars par an. Un manque à gagner qui nous prive des ressources nécessaires pour aider nos filles, nos sœurs et nos mères à atteindre l’égalité et l’autonomie.
SOURCE: Jeuneafrique