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Esthétique

l n’y a pas si longtemps, une mère faisait l’éducation beauté de sa fille en l’emmenant chez l’esthéticienne. Aujourd’hui, pour certaines, c’est plutôt dans le cabinet du médecin ou du chirurgien esthétique que ça se passe – et pas forcément à l’initiative de la mère.

 

52 000 euros pour ressembler à sa fille de 36 ans, c’est ce qu’a dépensé l’Anglaise Janet Horrocks, 57 ans. Elle témoignait en 2016 sur Barcroft TV : « J’ai le droit de la copier, de lui ressembler, c’est moi qui l’ai faite. »La fille apparaissait, elle, plus résignée qu’emballée par cette nouvelle gémellité. Et on la comprend. Sans aller jusqu’à cet « extreme makeover », les retouches esthétiques sont devenues un vrai sujet entre mères et filles. Aux États-Unis, le spécialiste de l’esthétique est carrément le nouveau médecin de famille, dont il « soigne » tous les membres. En Corée du Sud, où la société est ultra-compétitive et où la perfection physique joue le rôle d’ascenseur social, « une femme sur trois a recours à la chirurgie, notamment pour se faire débrider les yeux ou se faire raboter le menton. Le plus beau cadeau que des parents puissent faire à un enfant qui a eu son bac, c’est une opération », raconte Lucille Gauthier, Beauty Trend Director de l’agence Peclers.

En France, si le rapport à la médecine et à la chirurgie esthétique est plus mesuré, les spécialistes constatent une augmentation des consultations mère-fille, à un rythme d’une à deux par semaine. « Le cas le plus fréquent, c’est la mère qui fait des interventions depuis longtemps et qui offre une séance de toxine botulique à sa fille trentenaire en guise de cadeau d’anniversaire », constate Véronique Gassia. La dermatologue esthétique raconte avoir reçu récemment une mère et ses trois filles. Celle de 18 ans n’a (encore) rien fait, mais les deux autres, de 25 et 30 ans, se sont fait payer des injections volumatrices des lèvres.

« Avant, la majorité de mes consultations concernaient des femmes entre 50 et 60 ans, puis c’est passé à 35-40 ans et maintenant, j’ai de plus en plus de femmes très jeunes »

Les mères payent les interventions, ce qui facilite le passage à l’acte. Mais si elles le font, c’est avant tout parce que les filles le réclament. « Contrairement aux générations précédentes, les filles d’aujourd’hui sont totalement décomplexées sur le sujet, constate Linh Pham, journaliste spécialisée en esthétique et créatrice du site d’information Le journal de mon corps.fr. Elles n’ont peur ni des interventions ni du regard que l’extérieur peut poser sur elles. L’avancée des techniques entre aussi en jeu dans cette facilité d’accès que n’avaient pas les générations précédentes. » A contrario, cette nouvelle attitude décomplexée rejaillit sur les mères qui n’auraient pas encore osé « se faire refaire »». « Je vois des jeunes femmes de 20 ans venir pour des injections dans les lèvres, accompagnées de leur mère, qui décide ensuite de revenir pour elle-même. Il y a dix ans, ça ne se faisait pas », constate le Dr Aurélie Fabié-Boulard.

Des mères, qui en ont elles-mêmes souvent abusé, poussent leur fille à la consommation.

Le phénomène est particulièrement vrai pour la médecine esthétique et les injections, mais il n’est pas rare pour la chirurgie. « Les mères accompagnent leurs filles pour les mettre en confiance, puis se disent : “Moi aussi, j’ai toujours voulu avoir des seins plus gros, ou les faire remonter.” Voir les résultats sur leur fille les décide à se lancer. C’est aussi valable pour l’esthétique de l’intime. »

Parce que oui, la complicité va parfois jusque-là… « Beaucoup de jeunes femmes de 16-17 ans, qui n’ont pas encore de sexualité, sont demandeuses de chirurgie intime car elles sont complexées », constate le Dr Fabié- Boulard. De quoi donner des idées à leurs mères. « Le lien avec la mère demeure très important dans ce type de démarche. Je ne vois jamais de copines qui viennent ensemble », témoigne le Dr Déborah Obadia, chirurgienne plasticienne. Même si les dérives sont rares, elles peuvent exister, pour la médecine esthétique, plus que pour la chirurgie. « Des mères, qui en ont elles-mêmes souvent abusé, poussent leur fille à la consommation. On les repère facilement car elles parlent à leur place », raconte le Dr Obadia. Un cas de figure qui (heureusement) reste très rare.

 

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